Parler de la voix des acteurs et actrice, c'est encore évoquer la fascination plus personnelle qu'ils peuvent exercer. Le cinéma est aussi une machine à désirer au sens le plus sensuel du mot. Un désir de désir. La scène du strip-tease de la belle métisse entourée de ses boys, dans la boîte de nuit où les Pontano commencent la soirée, est emblématique, de ce point de vue. Mais le désir peut être plus chaste, il peut tenir à ce simple privilège que nous donne le gros plan d'entrer dans la proximité et l'aura - et l'haleine, dirait-on - d'un visage. Warhol justifiait les longs gros plans de certains de ses films par la frustration où cet amateur de films hollywoodiens disait avoir souvent été de ne pouvoir contempler à loisir les traits de ses stars favorites : des projectionnistes, disait-il, amputent même à cet effet les copies des films pour en garder, comme autant d'icônes, les photogrammes les plus désirables. C'est pour éviter un si cruel expédient et permettre à chacun de se livrer tout son saoul à ce fétichisme filmique que l'albinos disait avoir fait ses 13 Most Beautiful Women ou 13 Most Beautiful Boys. Il y a là une des vérités du cinéma -en même temps qu'un de ses non-dits les plus constants : et cela autant de la part des réalisateurs, qui savent tout de même bien ce qu'ils font en choisissant de donner en pâture au public tel décolleté, telle carnation, telle musculature, que des spectateurs, dont la vue d'un visage ou d'un corps, surtout s'il apparaît en partie ou totalement nu, sur les photos à l'entrée de la salle ou dans la bande annonce du film, détermine en réalité plus souvent qu'on le croit la décision de prendre son billet.
Dominique Noguez, Ce que le cinéma nous donne à désirer, Editions Yellow Now, 1995
vendredi 1 février 2008
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire