samedi 9 février 2008
The Doll is Mine
Bertrand Bonello : J'avais amené beaucoup de disques sur le plateau. Je ne savais pas si Blonde Redhead te ferait pleurer. Cette chanson est bouleversante, mais aussi un peu ringarde, aussi je n'étais pas certain que ça marcherait. J'avais amené par sécurité des morceaux de Cat Power, de Lou Reed, et même le Requiem de Mozart. Pour la Brune, il me fallait quelques larmes, cinq ou six bien visibles, et Blonde Redhead n'a pas fonctionné. Je les ai obtenues avec Mozart. Pour le lendemain, la scène du modèle blond, il me fallait un torrent de larmes, et la chanson a fonctionné.
vendredi 8 février 2008
黒木瞳 Hitomi Kuroki
Il est vrai que c'était la première fois que je jouais dans un tel film. Honnêtement, ce qui m'a séduit dans le projet, c'est qu'il s'agissait d'une réalisation du tandem “Suzuki-Nakata”. Je n'ai donc pas réfléchi à une attitude ou à une préparation particulière. J'ai surtout voulu lire le scénario. Là, je suis tombée sur une scène qui m'a beaucoup impressionnée, celle de la mère et de sa fille, vers la fin, mais je ne peux pas en dire plus sans dévoiler l'intrigue. J'étais tellement bouleversée que je me suis dit qu'il fallait absolument que je joue dans ce film.
Le scénario filmé a-t-il été beaucoup modifié par rapport à l'original ?
Oui. Et le scénario définitif est encore plus élaboré et plus passionnant. Mais l'esprit des deux jets reste identique.Avez-vous eu peur en lisant le script ?Certaines scènes m'ont d'emblée angoissée. J'ai su qu'elles auraient un grand impact à l'écran. Mais ce qui m'a plu c'est que Dark Water est un film d'épouvante différent. Les relations entre la mère et la fille sont très bien décrites. Le contexte du film, montrant une femme tentant de résister à la dictature patriarcale, est passionnant. Dark Water est un drame individuel et social autant qu'un film d'horreur.
Est-ce différent de jouer dans un film d'horreur par rapport à un long-métrage plus classique ?
Oui, je crois. Il faut être plus à fleur de peau dans un film d'horreur. Les sentiments doivent être plus exprimés. Parfois il faut presque surjouer. Les premiers jours du tournage j'étais dans un registre classique. Hideo Nakata m'a alors dirigée pour que je puisse mieux développer mes émotions. D'autre part, les mouvements de caméra, les angles de prises de vues et la musique sont des éléments essentiels dans un film d'épouvante. Des plans qui ne sont dans d'autres longs-métrages que des plans “d'insert” peuvent ici être prépondérants à cause d'un détail. Il faut également faire attention à sa respiration, caractéristique de la personne effrayée. Il y a beaucoup de nuances à maîtriser quand on joue dans un film d'horreur.
Comment s'est déroulé le tournage ?
J'avais déjà travaillé avec Hideo Nakata, à l'époque où il était assistant–réalisateur. Je le connaissais donc suffisamment pour que nos relations soient amicales. Hideo Nakata possède un talent inhabituel. Il ne regarde pas les scènes à travers le moniteur, mais se place à côté de la caméra pour donner ses indications. Cette attitude est de plus en plus rare. C'est assez impressionnant pour les comédiens, plus habitués à ce que le réalisateur se tienne loin. Hideo Nakata fait très attention aux subtilités dans le jeu des acteurs. C'est rassurant qu'il soit très proche de nous, car on sait que les nuances et les efforts que l'on produit sont remarqués et ne restent pas vain. C'est pour cela que Nakata parvient à tirer le meilleur de ses acteurs.
Il paraît que sur le plateau l'atmosphère était à couper au couteau ?
C'est toujours le cas en studio. Comme on est dans les meilleures conditions de travail, le metteur en scène est exigeant. Cependant, sur Dark Water l'ambiance était plutôt décontractée. Mais la concentration des techniciens et des comédiens était optimale. Je pense que le film en a bénéficié.
Sur quels points avez-vous été la plus attentive ?
Tous. En fait, j'étais très attachée à la résistance de Yoshimi, qui refuse de céder à la puissance de la société patriarcale. Le combat de cette mère pour éduquer sa fille et la conserver auprès d'elle m'a profondément émue. Une réplique en particulier m'a faite pleurer. Quand tout va mal,Yoshimi dit à sa fille : “Pour moi, ca va, puisque nous sommes ensemble”. Dans cette histoire, le plus effrayant, c'est que tout ce qui arrive à cette mère peut véritablement se produire dans la réalité. La peur envahit son quotidien. Il était aussi fondamental que les petits gestes affectueux que Yoshimi échange avec sa fille soient crédibles. J'ai donc beaucoup discuté avec Rio Kanno pour qu'une vraie complicité s'installe entre nous, que nous soyons amies. Après le tournage, j'ai été triste de notre séparation. Je ne peux plus l'appeler “Iku–chan”.
Que retiendrez-vous de cette expérience ?
Que j'aime énormément les films d'Hideo Nakata (rires). J'avais vu Ring. Je savais donc que les films d'épouvante pouvaient aussi servir de trame pour des intrigues complexes. Mais je pense sincèrement que Dark Water est plus fort, plus riche, plus vrai que Ring. Avant, je n'affectionnais pas le genre “films d'horreur”. Maintenant que je sais qu'ils peuvent aussi permettre de raconter de belles histoires d'amour, j'ai envie de parfaire ma culture dans ce domaine.
Entretien pour Diaphana.
mercredi 6 février 2008
李嘉欣 Michelle Reis
Cahiers du cinéma, numéro hors série Made in China.
dimanche 3 février 2008
Le Syndrome de Stendhal
Dario Argento : Oui, mais c’était une période où je travaillais avec des actrices très jeunes, j’ai commencé avec Suspiria, puis j’ai continué avec Phenomena, Opera, Trauma, et Le Syndrome de Stendhal… Elles évoquent la "Vierge de lait et de sang" de la littérature gothique, et puis elles ont toujours un problème pschychique… J’aime les personnes qui ont des problèmes. Je connaissais bien l’anorexie… Les psychologies des personnes perturbées sont toujours intéressantes.
[L'entretien de Dario Argento avec Gabrielle Lucantonio peut être lu dans son intégralité ici.]
samedi 2 février 2008
Anna Karina
J'avais quatorze ans quand j'ai fait mon premier film, un court métrage : La fille avec ses chaussures. Le metteur en scène avait l'impression que lorsque je marchais dans la rue, je dansais. C'est comme ça qu'il m'avait repéré. Quand on me demandait, à l'âge de 4 ou 5 ans, ce que je voulais faire plus tard, je répondais aventurière ! Aventurière pourmoi, c'était chanter, danser, et jouer sur les places publiques, un peu comme Molière ! Il paraît que lorsque j'avais un an et demi, je chantais Lili Marlène : cet amour du chant était donc en moi.
Qu'est-ce que ce premier film, La fille avec ses chaussures, vous a apporté à l'époque ?
D'abord, il faut dire que j'étais assez nulle à l'école, je n'étais pas plus bête qu'une autre, mais j'avais des problèmes à la maison. J'ai quand même obtenu mon certificat d'étude, en travaillant énormèment trois semaines avant l'examen ! Mais je me disais que ce n'était pas à l'école que j'allais devenir comédienne ! J'ai fait alors plein de petits boulots. Puis, on m'a proposé de faire ce court métrage. Mais après l'avoir fait, personne ne s'est intéressé à moi. J'ai alors été engagée comme élève d'illustration chez un peintre, puis je suis devenue figurante dans de nombreux films danois. J'avais réalisé que je ne pouvais pas m'inscrire dans un cours d'art dramatique avant la majorité de 21 ans, je continuais à me disputer avec ma mère, alors un jour je suis partie pour Paris.
Là, vous avez commencé à faire des photos, à être modèle...
Pour gagner de l'argent, parce que je parlais très mal le français. J'ai rencontré aussi Erich Dreyer, le fils de Carl Theodor (pour qui ma mère avait fait les costumes de Nina Pens dans Gertud). Il était correpondant politique d'un grand journal de Copenhague à Paris et m'a permis d'écrire des articles, dont il corrigeait les fautes d'orthographe ! Cela me permettait de gagner un peu d'argent. Dès que j'avais trois sous, j'allais au cinéma permanent, où je voyais les films plusieurs fois. Lorsque Gérard Philippe disait "Bonsoir Madame !" et que Gabin disait "Salut ma vieille !", je comprenais que ça voulait dire la même chose ! J'arrivais à parler à peu près bien le français et l'argot en même temps !
Mais c'est aussi en chantant des chansons que vous avez appris à parler le français !
Je chantais tout le temps, Piaf, Charles Trenet, les vieilles chansons de Marie Duhas, Fréhel, je les connaissais par coeur. Quand j'ai commencé à avoir de l'argent, j'ai travaillé avec plusieurs professeurs.
Comment a eu lieu votre première rencontre avec Jean-Luc Godard ?
Il m'avait remarquée dans une publicité pour Monsavon et voulait me faire faire des essais pour un petit rôle dans A bout de souffle, celui de la fille à Saint-Germain qui montre ses seins et à qui Belmondo pique 50 francs. J'ai refusé de me déshabiller et je suis partie.
Et il vous a rappelée plus tard pour Le Petit Soldat.
Oui. Et je me dis toujours que c'était bien comme ça. Parce que je suis sûre qu'il ne m'aurait jamais rappelée ensuite si j'avais accepté ce premier rôle. Trois mois plus tard, il me fait revenir. Il me convoquait cette fois pour le rôle principal. Quand il m'a dit que c'était pour un film politique, j'ai répondu que je n'y connaissais rien ! Il m'a répondu de ne pas m'en occuper et de faire ce qu'il dirait. Comme j'étais encore mineure, il a fallu que je demande à ma mère de venir du Danemark signer le contrat !
Et vous êtes tombée amoureuse de Jean-Luc Godard...
Il est tombé amoureux de moi aussi, sinon ça ne serait pas fait ! (rires). On s'est tourné très longtemps autour l'un de l'autre, sur le plateau. Et un soir, Jean-Luc m'a écrit un petit mot "Je vous aime, je vous attends au café à minuit, à Genève". On était à Lausanne. Je suis partie comme une somnambule. C'était magnétique. Il est devenu mon Pygmalion.
Mais le public ne vous avait pas encore découverte, puisque le film n'était pas sorti.
C'est Michel Deville qui, voyant le film en projection de presse m'a proposé un rôle pour son premier long métrage Ce Soir ou jamais. Jean-Luc était très jaloux, il me disait que je n'arriverais jamais à jouer ce rôle. J'ai fait ce film, et quant Jean-Luc l'a vu, il m'a demandé aussitôt après si je voulais jouer dans Une femme est une femme, le film qu'il préparait.
Est-ce que Godard vous parlait précisément des rôles qu'il vous proposait ?
Au départ, rien n'était écrit, sauf un petit synopsis ou une simple idée. Après, il parlait vaguement des personnages, puis écrivait au fur et à mesure. Mais on sentait assez bien ce qu'il voulait faire et dire, peut-être beaucoup plus que lorsqu'il y a un synopsis ou un scénario très écrit, et qu'on ne sait jamais ce que ça paut donner. On était entraînés, manipulés par sa pensée. Il y avait beaucoup de répétitions, même si on avait le texte au dernier moment. Il fallait que ça fonctionne comme un ballet. Godard avait ce talent d'écrire des dialogues si naturels que les gens pensaient qu'on improvisait, ce qui est complètement faux. Si on inventait une bonne phrase au tournage, comme le "qu'est-ce que j'peux faire" de Pierrot le fou, elle pouvait êtr utilisée, sinon c'était du mot à mot.
La Religieuse : Vous l'aviez déjà interprétée, mise en scène par Jacques Rivette au théâtre, avant que cela ne devienne un film.
Oui, j'avais vingt ans. Il ne pensait même pas à faire le film à l'époque, il ne l'a fait que quatre ans plus tard. Avec Jacques, il y avait d'abord le scénario, je le connaissais d'autant plus par coeur que je l'avais joué au théâtre. C'est un perfectionniste : au théâtre, au bout de deux semaines, on était toujours en train de répéter la première scène, on n'avançait pas, alors que la première de la pièce arrivait trois semaines plus tard ! On aurait pu rester six ans à répéter la première scène !
Vous avez aussi tourné pour Lucnino Visconti dans L'étranger...
Oui. J'étais encore très jeune. C'est un tournage qui a duré très longtemps, il était à la fois très sérieux, très maestro, mais très mauvais acteur par contre quand il se prenait à me donner en contre-champ la réplique dans le film. Il lisait le texte en français et ce n'était pas très bien ! (rires). On était en Algérie, il faisait très froid, et dans une scène, je devais me baigner dans le port d'Alger. A ma sortie de l'eau, personne ne m'a acceuillie avec des serviettes de bain pour me sécher, et Visconti a piqué une crise. Il était très prince, très royal, très protecteur.
Et Justine de Cukor ?
C'est un autre cinéaste qui avait commencé le tournage en Tunisie. Au bout de huit semaines de tournage là-bas, pour les extérieurs, on est revenus à Hollywood pour tourner les intérieurs. Zanuck s'est aperçu que ce qui avait été tourné n'était pas très bon. Tout a été interrompu, on est resté à Hollywood, avec voitures, piscines, villas : la grande vie ! Tout le monde était en stand-by. Et puis un jour, au bout de trois mois, on nous a informés que le nouveau metteur en scène serait George Cukor. Je trouvais cela formidable, je connaissais tous ses films par coeur ! Nous somme devenus enuite très amis.
A quel moment avez-vous décidé de faire votre propre film Vivre ensemble ?
J'en avais envie tout simplement. J'avais écrit un petit scénario, je voulais le faire pour par trop cher, je l'ai coproduit avec mon propre argent et un distributeur. Il y a eu à peine cinq semaines de tournage. Mon chef opérateur, Claude Agostini, était très bricoleur, très adroit, il avait fait un studio à l'intérieur de mon ancien appartement du Panthéon.
Je me demandais simplement, pour terminer cet entretien, si le fait d'être comédienne ne vous avait pas permide vivre une enfance supplémentaire ?
C'est vrai. Tout ce que je n'ai pas pu vivre dans mon enfance, je l'ai vécu dans le cinéma. Par rapport à tout. Jean-Luc Godard a été ma famille, il était tot ce que j'avais. A cette époque-là, par rapport à mon imagination aussi, j'ai pu m'exprimer. Est-ce que j'ai fait tout ce que j'avais envie de faire ? En gros, oui. Je pense que j'ai plutôt été gâtée. J'ai eu cette chance de connaître tant de gens dives. C'est comme cet album avec Katerine (Une histoire d'Amour), c'est un rêve d'enfant, je ne rêvais même plus de faire ça, faire par exemple des concerts partout dans le monde ! Je suis restée une enfant vous savez... Il faut aimer la vie avec le coeur et les yeux d'un enfant. C'est ce qu'il y a de plus important.
Entretien avec Anna Karina. Propos recueillis par Bernard Payen le 16 juillet 2001 et publiés dans Le Journal de la Cinémathèque numéro deux, Automne 2001.
vendredi 1 février 2008
Machine à désirer
Dominique Noguez, Ce que le cinéma nous donne à désirer, Editions Yellow Now, 1995